La Joie est une grâce ! Mais d’où vient-elle ? Qu’est-ce qui la fait advenir ? Il y a là quelque chose d’un peu mystérieux, reconnaissons-le. Et, de fait, il est bien difficile de la générer artificiellement dans les cœurs. La joie prend parfois la forme d’un geyser, une sorte de jaillissement, inattendu, soudain. Elle peut aussi être une lumière diffuse, qui éclaire progressivement d’une douce clarté le quotidien d’une vie. C’est pourquoi, il n’est pas hors de propos de parler d’une « grâce » : il se trouve que cela est donné.
Mais nous pouvons accueillir ou faire obstacle à ce don de la joie. Cela relève de notre liberté. Notre manière de regarder le monde, de traverser le quotidien et d’appréhender l’ordinaire de la vie : tout cela peut libérer ou entraver la joie. Nos yeux, nos oreilles, nos cœurs sont-ils ouverts ou fermés ? N’y a-t-il pas une part de nous-même qui peut laisser s’installer ou, au contraire, se débarrasser du filtre qui assombrit le quotidien ? Oui, il est possible de se laisser voler la joie !
A l’occasion de cette rentrée scolaire, il ne manque pas de motifs pour assombrir ce quotidien et laisser s’installer ce filtre grisonnant qui fait perdre toute couleur à la vie. A nous d’examiner notre manière de regarder, d’écouter, d’accueillir.
« Ne pas nous laisser voler notre joie », c’est accueillir le sourire d’un enfant ; communier à l’enthousiasme de nos élèves ; apprécier les sauts de maturité qui sont franchis ; être témoin d’une illumination du quotidien (« Madame, … enfin j’ai compris ! ») et ainsi de suite. Une rentrée scolaire, ce sont de nouveaux espoirs, de nouveaux collègues, ce sont de nouveaux départs. C’est une classe nouvelle qui se forme, différente de toutes les autres passées.
Oui, nous faisons tous l’expérience qu’un collectif peut être « vertueux », c’est-à-dire qu’il peut soutenir l’individu dans un rapport mutuel solidaire et bienveillant. Nous le croyons et nous essayons de le mettre en œuvre du mieux que nous le pouvons dans nos établissements.
Oui, nous continuons de croire que l’apprentissage est une expérience fondamentalement joyeuse ! Chaque maître, chaque éducateur, chaque personnel : toutes et tous, nous sommes au service de ces jeunes qui portent dans le cœur de grandes espérances. Ils ont cela en eux, même s’il faudra parfois traverser des carapaces successives de résistance, d’opposition, peut-être même de bêtise ou de méchanceté. Mais l’être humain est ainsi fait, mélange d’eau, de glaise et de souffle. La philosophe Simone Weil ne parlait-elle pas de la pesanteur et de la grâce ?
Le contexte, lui aussi, semble fait pour nous ôter notre joie. Depuis quelques années, on nous a beaucoup parlé de contrôles, d’indices, de statistiques, etc. De performance et d’efficacité espérées : celles d’un système scolaire, celles des adultes engagés en éducation, celles des élèves. A en croire certains, l’Enseignement catholique semble se confondre avec inégalité sociale, élitisme, infraction à la liberté de conscience, mésusage des moyens donnés par l’Etat. Le climat est tendu et la confiance parfois très abîmée. Quel gâchis !
Mais ne nous décourageons pas. Sachons avancer avec ce que nous sommes, réformons-nous si nécessaire, évidemment. Notre réseau Loyola-Éducation, lui, va ouvrir un nouveau collège à Marseille : le Collège Loyola (www.collegeloyola.fr). C’est un réel acte d’espérance, c’est une joie partagée par tous, c’est une mise en œuvre concrète des convictions profondes qui habitent notre réseau Jésuite d’éducation. Nous accompagnons de nos meilleurs vœux, la nouvelle équipe adulte qui se lance dans cette belle aventure !
Alors, chers amis, « ne nous laissons pas voler notre joie ». Essayons de la cultiver en nous et chez les autres. Gardons le cap pédagogique, humain, social et spirituel qui nous rassemble. Soyons clair sur ce que nous sommes et sur la contribution réelle et sérieuse ; respectueuse et dynamique que nous souhaitons apporter à la mission du service public d’éducation. Revenons à la joie de la relation éducative, à la joie des belles ressources pédagogiques, à la joie d’enseigner, à la joie d’un être-ensemble qui éduque à la fraternité, à la joie d’annoncer l’Evangile dans le respect de la diversité convictionnelle. Nous ne pourrons pas accepter d’être réduit au silence ! Soyons libres dans notre parole… et que chacun soit libre d’adhérer ou pas. « La foi naît de ce que l’on entend » disait saint Paul dans l’Epître aux Romains (10, 17) : encore faut-il que quelqu’un parle.
Si cette phrase « ne nous laissons pas voler notre joie », m’a inspiré au moment d’écrire ces lignes, c’est parce qu’elle tire son origine d’un moment mémorable de partage entre le défunt Pape François et la Compagnie de Jésus. Devant des délégués de toute la Compagnie, en 2016, le Pape avait tenu un propos très inspirant et très lucide sur les combats intérieurs et extérieurs que nous avons tous à relever.
Aussi est-ce sur les lignes de ce petit extrait que je souhaite conclure ce message. Un message adressé initialement aux jésuites, certes. Mais un message dont chacun pourra aussi tirer profit en examinant à quelles situations concrètes il peut faire référence :
« C’est le ministère propre de la Compagnie, de consoler le peuple fidèle et d’aider avec discernement à ce que l’ennemi de la nature humaine ne nous vole pas la joie : la joie d’évangéliser, la joie de la famille, la joie de l’Eglise, la joie de la création… Qu’il ne nous la vole pas, ni par le désespoir devant l’amplitude des maux du monde et des malentendus entre ceux qui veulent faire du bien, ni ne nous la remplace par des fausses joies à portée de main dans n’importe quelle entreprise humaine. »
A tous et à toutes, bonne rentrée 2025-2026
Dans une même Espérance,
Père Sylvain Cariou-Charton s.j.
Délégué du Provincial jésuite pour les Établissements scolaires jésuites en France

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