Pourquoi les jésuites promeuvent-ils le théâtre dans leurs Collèges ? Pascal Gauderon, jésuite engagé dans bien des aventures scéniques, répond…

Ça fait travailler l’oral, on aura de meilleures notes au Bac !!!

Qui s’est vraiment risqué sur scène peut nommer bien d’autres fruits, savoureux, non réductibles à cet utilitarisme

  • Croissance personnelle :

Au début j’avais peur, puis j’ai gagné en confiance…

J’ai découvert que je pouvais faire rire les autres si je dépassais ma timidité…

C’est du vrai boulot, pour donner un beau spectacle !

  • Travail de textes riches :

Notre pièce fait vraiment réfléchir…

Je n’oublierai jamais ces répliques !

  • Expérience communautaire :

J’ai vu qu’on avait besoin de chacun

Quand on voit le public heureux, on comprend pourquoi on fait tout ça…

Une école de vie, donc, les artifices de la scène provoquant un engagement bien réel, une expérience éducative cultivant de belles vertus. Personnellement, j’aime y voir un exercice profondément évangélique, qui travaille, comme nos vœux religieux, les postures essentielles :

  • Pauvre, chacun l’est sur scène, se donnant tout entier, se risquant en direct, partageant ses talents dûment travaillés, sans maîtriser l’accueil du public : on peut être drôle, mais riront-ils ? Semer sans garantie de récolte… Pauvre dans l’acte de jeu lui-même : l’ego ne doit pas polluer la scène… Chacun disparaît pour que vive son personnage, tait ses paroles personnelles pour donner voix à celles d’un autre, occulte ses sentiments pour consonner à d’autres : mourir à soi-même pour faire advenir un autre vivant… Une désappropriation de soi qui ouvre à un don généreux, enrichissant, dans la gratuité du jeu. Pauvre aussi, le public, qui accueille au présent, dans l’instant, le riche présent offert par la troupe.
  • Chaste, à juste distance, la troupe l’est, offerte au public, ne mettant pas la main sur lui. Chasteté engagée : l’intime, les corps, les voix, les émotions, sont livrés au public. Pudeur infiniment respectueuse : on ne cherche pas à envahir ou dévoiler l’espace intérieur du spectateur. Chasteté libre donc : donner, se donner, pour édifier le spectateur, sans prédation autocentrée, sans séduction cachée, dans une relation asymétrique qui s’accomplit en une communion profonde.
  • Obéissant, le comédien se doit de l’être : aux textes et intentions de l’auteur, aux partis pris du metteur en scène, aux autres comédiens pour interagir avec pertinence, aux techniciens pour assurer la fluidité du déroulé… il se met tout entier à l’écoute et au service d’autres. Une mort à soi convoquant le meilleur de lui-même : il mobilisera toute son intelligence et tout son cœur, pour entrer dans la compréhension profonde de la pièce ; et son énergie, ses expériences passées, ses émotions, son charisme propre, son génie même, pour habiter son personnage et l’incarner d’une façon unique. En obéissant, il libère son potentiel personnel et sa créativité, stimulés par la commande. La parole d’un autre, écoutée en confiance, vient rejoindre en lui le meilleur et le révéler…

Ainsi, le comédien, nécessairement pauvre, chaste et obéissant s’il veut être bon, se trouve en se perdant : mourant à soi, il se révèle et s’accomplit ; se donnant tout entier dans son art, il communique plus que lui-même. Parce que le théâtre est une grande aventure humaine, accessible à tous, il est une aventure spirituelle profonde, offerte à tous. Que l’on nomme ou non ces enjeux intérieurs. « Chercher et trouver Dieu en toute chose », disons-nous… au théâtre, c’est assez évident, où affleure constamment le mystère de l’Incarnation, de la parole faite chair livrée pour communier…

Aussi avons-nous à cœur de continuer à promouvoir ces arts scéniques dans nos établissements scolaires, comme dans toutes nos missions. Citons par exemple la reprise du festival inter-établissements à Amiens ; les ateliers scéniques proposés dans nos diverses formations ; les camps MEJ spectacle ; ou encore ce goût des veillées festives spectaculaires lors de rassemblements ignatiens…

Une tradition qui a encore un bel avenir !

P. Pascal Gauderon sj,

Membre de la pastorale du réseau des établissements scolaires jésuites en France

,coordinateur du festival annuel de théâtre

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